Loi santé au travail : les modalités relatives au DUER

Après les textes sur les visites pour prévenir la désinsertion professionnelle, c’est maintenant au tour des modalités relatives au document unique d’évaluation des risques professionnelles (DUER) et des dépenses liées aux formations en santé et sécurité au travail d’être précisées par un décret publié ce week-end au JO.

Avec l’approche de la date d’entrée en vigueur du 31 mars 2022, a publication des décrets d’application de la loi du 2 août 2021 s’accélère.

Le décret attendu modifiant les règles d’élaboration, de mise à jour, de conservation et de mise à disposition du DUER est paru au JO du 20 mars 2022.

Les TPE de moins de 11 salariés exonérées de la mise à jour annuelle du DUER

Jusqu’à présent, chaque organisation, privée ou publique, devait mettre à jour l’évaluation des risques professionnels, a minima une fois par an.

Le décret du 18 mars 2022 (qui rentre en vigueur le 31 mars) supprime cette obligation pour les plus petites entreprises puisque la mise à jour annuelle ne devient obligatoire que « dans les entreprises d’au moins onze salariés ».

Les deux autres critères de mise à jour restent valables. Ainsi, toutes les entreprises (dès un salarié) doivent revoir leur évaluation des risques professionnels :

  • lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est portée à la connaissance de l’employeur.

Ce dernier alinéa a été reformulé. Il était auparavant écrit « lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie » .

La nouvelle rédaction insiste désormais sur le fait que l’employeur ait la connaissance de quelque information que ce soit, qui puisse avoir un impact sur l’évaluation d’un risque ou qui en créé un nouveau.

Cela peut ainsi être le cas lors d’une crise sanitaire (avec un risque biologique « extérieur » qui n’est pas lié à une unité de travail ou bien à l’activité de l’entreprise), ou bien lorsque certains facteurs de risques psychosociaux s’aggravent, comme en cas de baisse de l’autonomie et de la marge de manœuvre, ou bien d’augmentation de l’intensité et de la complexité du travail.

Le DUER doit déboucher sur des actions de prévention à chaque mise à jour « si nécessaire »

Une des points fondamentaux de la loi pour renforcer la prévention en santé au travail du 2 août 2021 était de rappeler (20 ans après sa création) et de renforcer la finalité de l’évaluation des risques professionnels. Celle-ci a toujours été d’évaluer les risques pour mettre en place des actions de prévention ciblées sur les risques les plus importants.

Ainsi, cette loi précisait le contenu du « programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail » – dit Papripact, pour les entreprises de plus de 50 salariés, et imposait aux plus petites d’avoir une liste d’actions de prévention qui découle du DUER (et qui est consignée dans le DUER).

Le décret du 18 mars 2022 indique que la mise à jour du Papripact ou de la liste des actions de prévention et de protection (pour les PME de moins de 50 salariés) doit être effectuée à chaque mise à jour du DUER, si nécessaire.

Même si le législateur a pris la précaution d’écrire « si nécessaire » (ces mots n’étaient pas présents dans le projet de décret), il semble logique de mettre à jour les actions de prévention à la suite d’une modification du document unique. C’est le cas notamment si un risque apparaît ou si une cotation d’un risque augmente, car dans ces cas, la planification d’actions de prévention devient nécessaire ou en tout cas, à étudier.

Cela ne serait pas nécessaire dans le seul cas où un aménagement d’un poste de travail fait diminuer un risque, voire le supprime. L’important est de bien connecter le document unique et les documents de prévention, que ce soit le Papripact ou la liste des actions de prévention.

Dans la fiche de présentation du projet de décret, il était précisé que « ces trois documents ont vocation à être corrélés afin que leurs mises à jour respectives soient cohérentes, effectuées simultanément et en continu dans les entreprises et non à date fixes.

Ce principe est conforme aux principes généraux de prévention qui disposent que l’employeur veille à l’adaptation des mesures pour tenir compte du changement de circonstance et tendre à l’amélioration des situations existantes. Cette disposition permet ainsi de clarifier que la mise à jour de l’un des documents ne vaut pas mise à jour de l’autre ».

Le CSE acteur du DUER

Le décret ne revient pas sur l’implication des représentants du personnel dans l’élaboration du document unique. Mais rappelons que le CSE a maintenant un vrai rôle à jouer dans l’élaboration du DUER. En effet, la loi du 2 août 2021 précise que « dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le CSE et sa commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) apportent leur contribution à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise ».

Les documents de prévention (papripact ou liste d’actions pour les PME) doivent être présentés au CSE. De plus, reste toujours valable le fait que le DUER est utilisé pour l’établissement du bilan annuel du CSE sur « la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et des actions menées au cours de l’année écoulée dans ces domaines ».

La polyexposition aux agents chimiques est à évaluer

Alors que la loi du 2 août 2021 introduisait la notion de polyexposition aux produits chimiques, le décret du 18 mars ajoute à la liste (non exhaustive) des points que l’employeur doit prendre en compte dans le DUER, les effets combinés de l’ensemble des agents, en cas d’exposition simultanée ou successive à plusieurs agents chimiques.

Archivage du DUER

À compter du 31 mars 2022 (versions postérieures à cette date), la loi du 2 août 2021 oblige les entreprises à archiver les différentes versions du document unique pendant au moins 40 ans. Est également prévu le déploiement d’une plateforme numérique de dépôt de document unique.

À partir du 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et du 1er juillet 2024 pour les autres, chaque version du DUER devra être déposée sur un portail numérique déployé et administré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. La mise en place de ce portail fera l’objet d’un autre texte d’application.

Selon le décret du 18 mars 2022, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’obligation de dépôt du DUER sur ce portail numérique, c’est à l’employeur de conserver les versions successives du document unique au sein de l’entreprise sous la forme d’un document dématérialisé, ou papier (le texte législatif ne mentionnait qu’un archivage dématérialisé).

Des précisions sur l’accès au DUER pour les anciens travailleurs

La loi du 2 août 2021 indique que les différentes versions du DUER doivent être tenues à disposition des travailleurs, mais aussi « des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès ». Le décret précise que les anciens travailleurs ne peuvent avoir accès qu’aux versions en vigueur durant leur période d’activité dans l’entreprise. Dans la même logique, « la communication des versions du document unique antérieures à celle en vigueur à la date de la demande peut être limitée aux seuls éléments afférents à l’activité du demandeur ». Enfin, « les travailleurs et anciens travailleurs peuvent communiquer les éléments mis à leur disposition aux professionnels de santé en charge de leur suivi médical ».

A minima, l’entreprise doit ainsi être capable de faire le lien entre les différentes fonctions occupées par le travailleur au fil du temps, et les unités de travail recensées dans les versions du document unique. Ce point pourrait être crucial dans le futur, car une telle consultation pourrait être faite dans le cas où un ancien travailleur développe une maladie dont il soupçonne qu’elle soit d’origine professionnelle.

Le document unique consultable par le SPST

Alors que le DUER était accessible au « médecin du travail et aux professionnels de santé mentionnés à l’article L. 4624-1 », il doit maintenant être tenu à la disposition du service de prévention et de santé au travail dans son ensemble.

Cette équipe peut comprendre, évidemment des médecins du travail, des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des infirmiers (dont le statut a été consacré dans le code du travail), mais aussi des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP). Peuvent aussi faire partie du SPST des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail.

Les modalités de prise en charge des formations en SST par les opérateurs de compétences sont définies

La loi du 2 août 2021 précisait les formations en santé et sécurité au travail auxquelles ont droit les représentants du personnel (membres de la CSSCT ou non) et le responsable sécurité. Le décret du 18 mars 2022 liste les dépenses liées à ces formations que les opérateurs de compétences peuvent prendre en charge :

  • « les coûts pédagogiques ;
  • la rémunération et les charges sociales légales et conventionnelles des salariés en formation, dans la limite du coût horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance par heure de formation ;
  • les frais annexes de transport, de restauration et d’hébergement afférents à la formation suivie et, lorsque les formations se déroulent pour tout ou partie en dehors du temps de travail, les frais de garde d’enfants ou de parents à charge ».

Le conseil d’administration de l’opérateur de compétences détermine les priorités et les critères de prise en charge des demandes présentées par les employeurs.

 

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